LE CONCERT IMMERSIF

Ce 20 décembre 2023 a eu lieu, à la salle des fêtes de la Chancellerie au sein des quartiers nord de la ville de Bourges,  la restitution officielle aux Archives Municipales et communautaires de Bourges des données récoltés par l’équipe de la MANB durant les deux années du projet ÉCHOS D’ÂMES.

En présence de:

Florian GIRAUD directeur des Archives Municipales et communautaires de la ville de Bourges.

Jean-Louis SALAK, Vice-Président de la communauté d’agglomération Bourges Plus.

Marie-Hélène BIGUIER, Maire-Adjointe déléguée à l’Intergénérationnel, Maire-Adjointe de quartier Chancellerie, Gibjoncs, Moulon.

Anne CAMBIANICA et Patrick POTIER de la communauté d’agglomération Bourges Plus (que nous remercions encore chaleureusement pour leur aide très active sur le terrain tout au long du projet).

Ainsi qu’un public toujours curieux des propositions artistiques concoctées par l’équipe d’artistes de la MANB.

Les fonds sont constituées d’une banque de données numériques regroupant le travail des artistes de la fin de l’année 2021 à cette fin d’année 2023 classés en quatre catégories distinctes.

• IMAGES Photos et vidéos
• COMPOSITIONS PodCasts, oeuvre complète…
• ENTRETIENS Interview, micro trottoir…
• AMBIANCES Sonores

BILAN DE L'OPÉRATION

Bilan scientifique Echos d’âmes

Le projet Echos d’âmes a consisté à partager des moments de la vie des habitants et familiers des quartiers nord de Bourges, s’entretenir avec eux à propos de leurs pratiques et notamment à propos de leurs environnements sonores. Initialement, l’apport anthropologique du projet se situait à deux niveaux : d’une part observer et analyser l’action des artistes dans la ville, d’autre part comprendre la participation des habitants et la manière dont ils et elles se saisissent d’une telle dynamique. Cette perspective initiale a été quelque peu remodelée au regard des rencontres et du déroulé de l’enquête. En effet, plutôt que d’interroger d’un point de vue anthropologique l’action des artistes, ce qui sous-entendait deux approches conjointes, l’une artistique, l’autre anthropologique, nous avons finalement préféré travailler à un projet commun rendant compte de façon originale de la manière dont vivent les gens, avec et à travers le sonore. Ainsi la restitution de mai 2023 est à considérer comme une forme de valorisation d’un travail ethno-artistique, bien que ne passant pas par les canaux classiques de la diffusion scientifique.

Observations et entretiens

La méthodologie choisie pour ce projet s’inspire de l’approche anthropologique consistant à partager des moments de la vie des gens et mener des entretiens. Durant la période 2021-2023, nous avons mené une trentaine d’entretiens formels (1h30/2h, intégralement retranscrits) avec des personnes habitant ou familières des quartiers nord parce qu’elles y travaillent, y font leurs courses, y pratiquent une activité… Les profils sont variés, hommes et femmes, habitant les différents secteurs des quartiers nord (Chancellerie, Gibjoncs, Moulon) ou professionnels qui y travaillent, jeunes, adultes ou personnes âgées, de différentes classes sociales. L’ensemble des personnes rencontrées reflète l’hétérogénéité constatée sur ce vaste territoire.

Nous avons également mené des observations dans des structures locales (épicerie solidaire, CCAS, Tivoli, RERS…) ou lors d’événements tels que le carnaval ou la fête du numérique. Ces observations ont à chaque fois permis de réaliser des entretiens « sur le vif » et de plus courte durée (environ 130). L’ensemble du corpus a été versé aux archives municipales de la ville de Bourges.

Diffusion et valorisation

Hormis les trois temps forts du projet (la conférence concertante de mars 2022, le concert de mai 2023 et celui de décembre 2023 pour la restitution aux archives) qui constituent des formes de restitution originales, la diffusion des résultats de la recherche a pris des formes universitaires plus classiques. Echos d’âmes a donné lieu à 4 communications lors de trois colloques internationaux (Tours, Nancy, Brno), et un séminaire du laboratoire Citeres :

– Redéfinir les rôles : d’une recherche sur les artistes à une recherche avec l’art, communication au séminaire transversal du groupe de recherche « Avec », 29 avril 2022, Université de Tours.

– Questionner le quartier au prisme du sonore : le projet Echos d’âmes à Bourges, communication au séminaire transversal du laboratoire Citeres : Les collaborations entre artistes et chercheurs en sciences humaines. Enjeux et questionnements, 21 octobre 2022, Université de Tours.

– (Avec V. Espéron et Rémi Dury) Repenser le geste musical. Produire et manipuler les sons dans l’espace par le corps et l’oreille, Drôles d’objets – Un nouvel art de faire, conférence interdisciplinaire. Interactions entre humains et objets robotisés, 15-19 mai 2023, Université de Lorraine, Nancy. Communication et installation sonore.

– Les incertitudes d’une recherche avec l’art et les artistes : entre inconfort et souplesse, 16^th congress of SIEF “Living incertainty”, 7-10 june 2023, Brno, Czech Republic.

Un article (accepté) co-écrit avec Vincent Espéron est également à paraître dans la revue de sciences humaines et sociales Interrogations sous le titre “Un travail de concert entre ethnologie et composition électroacoustique : les voix d’un quartier mises en musique”.

Pistes de recherche développées

Ces différentes communications et article ont exploré quelques pistes et résultats tirés de la recherche Echos d’âmes et notamment les suivantes :

– Qu’est-ce que la dimension artistique et sonore fait à la recherche en anthropologie ? Echos d’âmes a engendré la collaboration entre des artistes, compositeurs de musique électroacoustique, et un ethnologue. Cette collaboration nous a invité à revenir sur nos propres pratiques mais aussi à être attentifs aux pratiques de l’autre et à expérimenter de nouvelles méthodes. L’un des principaux résultats dans ce registre est qu’une telle collaboration entraine un ajustement continuel aux rencontres sur le terrain, en étant attentif à la fois au vécu des personnes et à l’approche du partenaire d’enquête.

– Qu’est-ce que la dimension sonore nous apprend d’un quartier ? Habiter ne peut se résumer à avoir un logement quelque part. Habiter se traduit dans des pratiques de l’espace, des représentations, des sociabilités et des environnements sensoriels, notamment sonores. Ces environnements sont appréhendés de façon intuitive et peu formalisés par les gens : tout se passe comme si le sonore était vécu mais difficilement dicible. L’environnement sensible est incorporé de telle manière qu’une connaissance expérientielle se façonne à partir de nos sens. En passant du temps avec les gens, en observant et écoutant les contextes dans lesquels les gens évoluent et qu’ils contribuent à façonner, le registre sonore fait apparaitre une lecture du quartier originale. Emergent ainsi des habitudes de circulation, des pratiques sportives, professionnelles, des souvenirs des fêtes de quartier. Ce sont aussi les secteurs administratifs et le maillage territorial qui laissent place à des cartographies sensibles du territoire. L’un des apports principaux dans ce registre est que le sonore permet d’appréhender le social et le culturel : les quartiers nord de Bourges constituent à ce titre un territoire hétérogène où les nuisances sont certes présentes mais ne constituent qu’une toute petite part des environnements sonores présents.

– Comment valoriser un patrimoine des quartiers de grands ensembles ? Les quartiers nord de Bourges constituent un ensemble de quartiers excentrés du reste de la ville. De plus leur morphologie fondée sur des principes architecturaux aujourd’hui dépassés autant que les matériaux ayant servi à leur construction les relèguent souvent à une position subalterne au regard du reste de la ville. Cette relégation du quartier se transpose bien souvent à ses habitants, comme c’est le cas de nombreux autres quartiers périphériques en France que l’on appelle communément les banlieues. Dans une ville réputée pour son patrimoine architectural et historique telle que Bourges, que faire des voix minoritaires s’exprimant sur la vie quotidienne d’un quartier en profond renouvellement ? L’un des principaux résultats réside dans la mise en évidence que si les gens sont bien conscients des problèmes soulevés par des logements et un aménagement dépassés, ils sont néanmoins attachés à leur quartier et lieux de vie. Cet attachement est d’ailleurs décrit en termes de patrimoine, par exemple pour rendre compte de ce que constitue l’ancienne cité-jardin de la rue Louis Loucheur ou de certains bâtiments voués à la destruction. De ce fait, nous avons souhaité, en accord avec toutes les personnes rencontrées, verser aux archives municipales l’ensemble des entretiens et environnements sonores enregistrés et de constituer un fond patrimonial original relatif à une période charnière du quartier.